Magazine Le Mensuel

Nº 2870 du vendredi 9 novembre 2012

Confidences Liban

Confidences Liban

L’Occident a peur des extrémistes
Les rapports envoyés du Liban par divers chefs de missions diplomatiques, à leurs gouvernements respectifs, reflètent la crainte de l’Occident de voir les courants fondamentalistes prendre de plus en plus d’ampleur dans la région. Avec l’intensification des affrontements entre l’armée syrienne et les rebelles et l’émergence de groupes jihadistes extrémistes qui mènent des opérations de grande envergure, les Occidentaux sentent l’urgence de trouver des solutions rapides à la crise syrienne pour éviter l’instauration dans la région de régimes favorables à ces radicaux. Certains craignent la réédition du scénario afghan, lorsque les talibans se sont retournés contre les Américains qui les avaient aidés à se débarrasser des Russes.

 

 

 

Entre Assad et Sarkozy
Le président Bachar el-Assad aurait appelé le président Nicolas Sarkozy, en décembre 2010, après la chute du gouvernement du président Saad Hariri, pour lui dire que le Premier ministre libanais ne reviendra pas au Sérail et que dorénavant, il ne sera plus reçu en Syrie. L’épisode est rapporté par un politique libanais qui cite Sarkozy lui-même. Celui-ci, poursuit la personnalité locale, a essayé d’en savoir plus mais Assad lui aurait répondu en nommant le prochain Premier ministre, ajoutant: «Nous savons comment faire pour désigner qui nous voulons et comment répondre aux défis». Lorsque le président français a prévenu son homologue syrien qu’il accueillera Hariri à son retour de Washington, Assad avait rétorqué: «Vous êtes un chef d’Etat, libre à vous de recevoir qui vous voulez, mais Hariri ne sera pas de retour au Sérail et je ne l’accueillerai pas à Damas.» Sarkozy rapporte ces faits pour illustrer l’ingérence de la Syrie dans les affaires libanaises.

Tout le Liban au Vatican
Le Liban officiel et populaire participe, le 24 de ce mois, à la cérémonie qui aura lieu au Vatican à l’occasion de la confirmation du patriarche Mar Béchara Boutros Raï en tant que cardinal de l’Eglise catholique. Le président Michel Sleiman pourrait présider la délégation libanaise qui participera à l’événement, une délégation représentative de toutes les communautés symbolisant le Liban, terre de neutralité et de dialogue entre les diverses civilisations et religions. Un ministre commente la chose en ces termes: «Tant que les Arabes ne sont pas sur la même longueur d’ondes, le Liban fait bien de rester à l’écart». Il appelle, par ailleurs, les leaders à adopter le paragraphe 12 de la Déclaration de Baabda stipulant la neutralité du Liban qui doit se distancer de la politique des axes et des conflits régionaux et internationaux.

 

 

 

Ambassadeurs: aucun pour le 14 mars?
Après le séisme qui a ébranlé le gouvernement après l’assassinat du général Wissam el-Hassan, le train des nominations diplomatiques a été, comme par magie, concrètement mis sur les rails! Pourtant, voilà six ans que ce dossier traîne sans que les cabinets, qui se sont succédé, ne réussissent à le régler butant sur des obstacles d’ordre politique, confessionnel et communautaire. Ainsi, le gouvernement actuel a recruté quelques personnalités, hors cadre diplomatique, connues pour leur compétence sans que celles-ci aient été soumises au mécanisme général adopté. Elles ont été sélectionnées par le président de la République selon des critères qui lui sont propres. La coalition du 14 mars a critiqué les nominations dénonçant la répartition des postes entre les composantes du gouvernement.

 

 

Hariri: retour annulé
L’épouse d’un pôle du 14 mars a confié à l’une de ses amies que le président Saad Hariri comptait regagner Beyrouth en compagnie de la famille du général Wissam el-Hassan. Seuls quelques proches étaient au courant de la chose, mais des organes sécuritaires occidentaux et arabes lui ont déconseillé de le faire pour le moment, vu que la situation n’est pas claire et que la menace continue à peser sur sa personne. Le général Hassan lui avait recommandé aussi de ne pas revenir à Beyrouth, sachant qu’il existe un complot les visant tous deux. Un leader du 14 mars révèle que Hassan a informé Hariri qui se trouvait en Arabie saoudite de son arrivée à Beyrouth, lequel lui a demandé pourquoi il était rentré, se sachant ciblé. Les milieux du Moustaqbal refusent d’aborder la question du retour de leur chef soulignant l’aspect sécuritaire de l’affaire. C’est lui et lui seul, disent-ils, qui prendra la décision. Mais son retour reste tributaire des changements prévus au double plan local et régional.

 

 

L’exploit d’el-Hassan
L’ex-ambassadeur Johnny Abdo a confié avoir rencontré le général Wissam el-Hassan à Paris, juste la veille du retour de ce dernier à Beyrouth, à l’occasion d’un dîner dans un restaurant parisien auquel l’avait convié l’ex-Premier ministre Saad Hariri. «J’ai félicité le général Hassan pour l’arrestation de Michel Samaha et lui ai dit que cet exploit est la réalisation sécuritaire la plus importante qu’ait connue le Liban. Même lorsque j’étais moi-même responsable des Renseignements, je n’ai rien accompli de pareil. Les problèmes à connotation sécuritaire avec la Syrie étaient toujours camouflés».

 

 

 

 

 

 

 

Le Hezbollah révise ses priorités
Les développements en Syrie, les préparatifs des prochaines législatives et une volonté de maintenir le statu quo structurel pour le moment, tous ces éléments ont porté le Hezbollah à reporter son congrès général à l’année prochaine. Le Hezb a cependant tenu une série de réunions d’évaluation à l’issue desquelles les priorités politiques à l’interne comme à l’externe ont été redéfinies. Les trois dernières années étaient riches en développements majeurs aux niveaux local, arabe et islamique, c’est ce qui a poussé le leadership du parti à réviser ses priorités avec l’émergence de nouveaux défis dus aux révolutions arabes et à l’arrivée des islamistes au pouvoir dans plusieurs pays, sans oublier la crise syrienne et les menaces croissantes d’une fitna.

 

 

Les ressortissants du Golfe vendent
Un entrepreneur immobilier révèle que nombreux ressortissants du Golfe qui avaient acquis des biens immobiliers dans des régions d’estivage libanaises, cherchent aujourd’hui à les revendre, ce qui d’après les promoteurs constitue un signal négatif pour le secteur. Des politiques de l’opposition pensent que cette initiative signifie l’abandon du Liban qui constituait une deuxième patrie pour les Emiratis. Certains courtiers tentent de tirer profit de cette situation, avec la réactivation récente du mouvement de vente et d’achat des biens fonciers.

 

Osbat al-Ansar soutient le Hezbollah
Les informations publiées par les partisans de Hariri à Saïda sur un changement de l’organisation interne du Hezbollah dans la ville, manquent de précision. Il s’agit en fait d’une vaste opération routinière qui touche les diverses régions libanaises. La source qui livre l’information indique que les sympathisants du Moustaqbal ont été frappés d’étonnement par la réunion qui a regroupé le Hezb et le mouvement salafiste sunnite de Osbat al-Ansar posté dans le camp palestinien de Aïn el-Héloué. C’est pourquoi, les adeptes de l’ex-Premier ministre ont mené campagne contre les «sunnites de la Résistance» à Saïda, surtout contre le mouvement des nassériens d’Oussama Saad, accusant certains de ses cadres d’être des responsables secrets du Hezbollah et prétendant que Hilal Hammoud est à la tête des Brigades de la Résistance à Saïda. La rencontre bilatérale entre le Hezb et la «Osbat» a irrité les partisans du Moustaqbal parce que cette dernière a formulé «son appui total à la Résistance» et qu’elle a un poids politico-militaire de taille au sein des forces salafistes présentes à Saïda et dans le camp palestinien.

Berry indélogeable?
Les milieux du président Nabih Berry mènent une contre-attaque pour justifier la possibilité de son maintien à la tête du parlement en 2013. Un politicien chiite estime que la récente déclaration du chef des FL aurait bien profité à Berry dont le délogement de sa chaire de président du Législatif est désormais lié aux négociations sur la loi électorale, à la future présidence du Conseil, et à la maturation d’un consensus national portant sur ces sujets. La Constitution est claire, signalent les milieux de Berry, c’est à la majorité parlementaire de nommer un président de la Chambre, mais la coalition du 14 mars ne pourra pas avoir recours à ce «droit constitutionnel» qui lui revient si jamais elle obtient la majorité des sièges en 2013, parce que l’esprit du texte, tout comme la coutume constitutionnelle et l’équilibre des forces vont dans le sens contraire. Les mêmes milieux insistent sur le fait que la Constitution libanaise est basée sur une forme de démocratie consensuelle accompagnée de mesures assurant un équilibre confessionnel et communautaire. La coutume, adoptée dès les années 70, veut que soient nommés aux deux présidences de l’Assemblée et du Conseil les représentants respectifs des majorités sunnite et chiite. A ceux qui prétendent que cet exercice remonte à la période de la tutelle syrienne, les adeptes du locataire de Aïn el-Tiné répondent que la coutume a été maintenue après le départ de l’armée syrienne, soit entre avril 2005 et l’an 2011. Le tandem chiite y reste donc attaché. Les sources ajoutent que les forces du 14 mars sont bien conscientes de ces données, mais elles utilisent «l’expulsion de Berry» pour faire du chantage politique et dans un but de mobilisation électorale.

 

 

 

Guerre de communiqués à Dar el-Fatwa
Guerre de communiqués entre les membres du Conseil islamique chérié divisé entre adeptes du Moustaqbal et défenseurs du mufti Mohammad Rachid Kabbani. Une source beyrouthine indépendante signale que certains comités civils de la capitale blâment pour cela l’ex-président Fouad Siniora, alors que d’autres pointent du doigt l’ex-député Salim Diab qui mène cette «guerre» à partir de son siège à Ras Beyrouth. Le désaccord entre les membres s’est approfondi à l’issue de la dernière réunion de Dar el-Fatwa, lorsque le mufti Kabbani a refusé de publier un communiqué hostile au président Mikati et au gouvernement, tel que proposé par les défenseurs du Moustaqbal. Il s’est contenté d’un texte lu par le cheikh Mohammad Anis Ardaoui appelant à l’unité des Libanais afin de sauvegarder les institutions, le peuple et l’Etat. Certains membres du Conseil chérié, proches de Salim Diab, ont par la suite accusé le mufti d’avoir modifié le communiqué adopté pendant la réunion. Parmi les signataires du contre-communiqué, le juge Talal Beydoun, le professeur Riad Halabi, le Dr Mounzer Hamza qui dénoncent le fait de ne pas avoir été consultés avant de trouver leurs noms au bas du communiqué du mufti.

Lutte géo-énergétique
La Turquie serait impliquée dans une lutte géo-énergétique régionale qui menace les intérêts énergétiques du Liban en Méditerranée, selon un rapport diplomatique en provenance d’un pays islamique. On y lit que le gouvernement d’Ankara cherche à concurrencer la Syrie et le Liban sur les puits gaziers dans le bassin arabe du Levant situé face aux littoraux de la Syrie, du Liban, des Territoires occupés et de Chypre. Ce bassin (selon les récentes découvertes) renferme 122 trillions de m3 de gaz. La Turquie constitue un lieu de passage pour le transport du gaz extrait du Caucase, de la mer Caspienne et de l’Asie centrale vers le centre de distribution européen dans la ville de Baumgarten. Un accord turco-européen, avalisé par le parlement turc en 2008, a donné le feu vert pour la construction d’un gazoduc de 3000 km de long (Nabucco). Il est possible de relier celui-ci au gazoduc arabe qui va de l’Egypte et la Presqu’île arabique jusqu’à Banias en Syrie, à la frontière turque. Mais, explique le rapport, Ankara a d’autres ambitions et ne veut pas se cantonner dans son rôle de «transporteur» de gaz, elle souhaite devenir «un producteur» d’énergie, c’est pourquoi les autorités turques cherchent à étendre leur hégémonie sur les richesses gazières en Méditerranée. Les négociations entre Ankara, Tel-Aviv et Nicosie sur les frontières maritimes sont incontournables mais elles prendront beaucoup de temps. Alors que, dans le bassin du Levant, les négociations semblent quasi impossibles. C’est pourquoi, la Turquie souhaite accélérer le bouleversement de l’équilibre des forces géo-énergétiques avec la Syrie et le Liban.

Des secrets difficiles à divulguer
Le directeur général des FSI, le général Achraf Rifi, promet aux Libanais toute la vérité sur l’attentat qui a coûté la vie au général Wissam el-Hassan. «C’est en effet la première fois que nous détenons des preuves tangibles et sérieuses sur une affaire et les datas des communications nous ont énormément aidés. Nous ne pouvons malheureusement pas divulguer, pour le moment, les informations que nous détenons».

 

 

Danger persistant
Le ministre Waël Abou Faour craint une déstabilisation suite à l’assassinat du général Wissam el-Hassan. Il révèle que le député Walid Joumblatt est extrêmement inquiet. Le député druze appréhende une reprise des attentats contre des personnalités du 14 mars et pense que le danger va aller crescendo avec l’approche de la chute du régime de Bachar el-Assad.

 

 

 


Tentative de scission des rangs sunnites
«Comme ils ont divisé les chrétiens avec le général Michel Aoun, ils tentent de diviser les sunnites avec le président Mikati.» C’est ainsi que le conseiller du président Saad Hariri, l’ancien ministre Mohammad Chatah, analyse la situation. «Ils essaient de réitérer le scénario de 2005, au moment de l’assassinat du président Rafic Hariri, afin de mettre définitivement la main sur le pays», a-t-il dit.

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