Magazine Le Mensuel

Nº 2950 du vendredi 23 mai 2014

general

Mohammad Machnouk. Un positif de nature

Sa grande passion a pour nom Beyrouth et ses deux grands amours: la photographie et les parfums. Détenteur du portefeuille de l’Environnement dans le gouvernement de Tammam Salam, il est très à son aise dans son ministère qu’il a déjà réussi à marquer de son empreinte. Optimiste et curieux de nature, il s’est fixé pour objectif d’exécuter en cent jours, cent réalisations. Portrait de Mohammad Machnouk.
 

Appartenant à l’une des grandes familles beyrouthines, Mohammad Machnouk a grandi dans cette ville dont il est passionnément amoureux et qui lui a inspiré deux ouvrages: Morning beauty et Love story. Elevé avec quatre sœurs, il a vécu dans une ambiance conservatrice et ouverte à la fois. «J’ai reçu une solide éducation et, en même temps, je bénéficiais d’une grande liberté. Mon père estimait qu’il fallait que l’enfant soit libre et actif, ayant la possibilité de mener plusieurs jeux, pour découvrir la vie par lui-même». Son père, Abdallah Machnouk, a toujours été son exemple. «Ce n’était pas seulement un homme politique, un éducateur, un interlocuteur, mais c’était également mon modèle. Il lui arrivait de répéter: mon fils Mohammad m’a enseigné la patience. J’étais très patient et je faisais beaucoup de bricolage. Je réparais souvent des objets cassés, des lampadaires».
De son père, Mohammad Machnouk a appris l’honnêteté, l’organisation, l’engagement, la loyauté envers les gens et l’amour de l’autre. «Je me souviens qu’un jour où nous étions en voiture, nous nous sommes arrêtés devant un immeuble en construction et il nous a demandé, au chauffeur et à moi, de descendre de voiture et de lire la Fatiha devant le chantier. Lorsque je lui ai demandé s’il connaissait le propriétaire et pourquoi nous avions fait cela, il m’a répondu: je ne le connais pas, mais c’est beau de voir quelqu’un qui construit. Il faut lui souhaiter bonne chance. N’apprends pas la jalousie et aime les gens». De sa mère, il a appris la propreté, physique et morale. «La propreté est celle de l’esprit et du corps», lui disait-elle. Elle lui a également enseigné à donner des réponses strictes à une question et à ne pas donner d’informations et des détails supplémentaires. «Elle avait parfaitement raison, car les gens cherchent souvent à vous nuire. Quand on ne donne pas d’informations, on se protège. Moins les gens en savent mieux ça vaut».
La famille Machnouk est une famille unie et dont les liens entre ses membres durent jusqu’à présent, entre les frères, sœurs et les cousins. «Le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, est mon cousin. Même si notre politique est différente, nous sommes proches. Comme le dit le dicton libanais, le sang ne se transforme pas en eau. Nous avons grandi tous ensemble. J’étais plus âgé, mais nous sommes une famille unie. Il n’y a aucune jalousie entre nous».

 

Le pays appartient à tous
Mohammad Machnouk se veut «centriste». Il n’appartient ni au 14 ni au 8 mars, il est au centre. «Je refuse de faire partie d’un troupeau. On peut être indépendant et avoir une opinion propre. Je suis d’accord avec certaines idées du 14 mars et d’autres du 8 mars. Je soutiens une position et non une personne. Le pays ne peut pas appartenir à une catégorie, en fin de compte, il sera à tout le monde. A l’intérieur du gouvernement, il y a des ministres du 8 et du 14 mars, ainsi que des centristes et toutes les discussions tournent autour de l’intérêt du Liban. Nous avons réussi à réaliser des choses que d’autres gouvernements n’ont pas pu faire, cela grâce à Tammam Salam qui a su comment créer la détente chez les ministres et les mettre à l’aise. Il écoute chacun d’eux et défend leur position. L’intérêt national est le seul qui prime. En trois mois, nous avons réussi à faire des nominations qui étaient bloquées». Proche du président du Conseil, la relation de Mohammad Machnouk avec Tammam Salam remonte à l’enfance. «Nos pères étaient très proches et mon père fut ministre dans les deux gouvernements de Saëb Salam». C’est à la Maison de l’enfant, relevant des Makassed, que Mohammad Machnouk a fait ses études scolaires, puis à l’International College (IC) avant d’intégrer l’Université américaine de Beyrouth (AUB). «Au départ, je voulais faire des études de médecine pour devenir orthopédiste, mais je me suis noyé dans l’ambiance politique de la maison et j’ai opté pour les Political Sciences et Public Administration».
Mohammad Machnouk s’est particulièrement distingué dans le monde de l’information et des médias. Il a travaillé dans l’équipe du quotidien Beyrouth-Soir, paraissant en langue arabe et appartenant à son père. Il dirigea l’Agence nationale de l’information (Ani), ainsi que le quotidien d’expression arabe as-Safir. Il fut également propriétaire d’Echo News et Echo Beirut et d’une société de communication et de consulting. Il enseigna l’information à l’Université libanaise et à l’AUB durant de longues années. «Je rencontre beaucoup de gens actuellement qui me confient avoir été mes étudiants. Je suis resté dans l’enseignement pour être continuellement à jour dans tout ce qui a trait à l’information». Ses publications sont nombreuses et, à ce jour, Mohammad Machnouk possède à son actif quarante-huit ouvrages portant sur des sujets variés dont la décentralisation de Beyrouth, l’eau, etc.
Grand optimiste et positif de nature, il aime voir les choses sous leur meilleur aspect. «Même en politique, je voudrai toujours améliorer les choses. Enseigner à l’université n’est pas tout à fait innocent. On y parle de lois, de liberté et de développement. J’ai présidé l’Association des journalistes pour l’environnement et, aujourd’hui, je me retrouve dans mon élément au ministère de l’Environnement. J’ai découvert que le pays est dans un état catastrophique, surtout sur le plan de l’environnement. Tout va mal et ma responsabilité en est d’autant plus grande. La durée présumée de ce gouvernement étant de cent jours, je me suis fixé pour but de réaliser un exploit par jour. C’est ce que nous faisons et nous publions régulièrement nos résultats». Il a su placer le ministère de l’Environnement sur l’échiquier gouvernemental, créant des liens entre celui-ci et les autres ministères. «Nous
sommes en contact avec la plupart des ministères car, finalement, ils sont tous liés et concernés par l’environnement. Aujourd’hui, le rôle du ministère de l’Environnement n’est pas consultatif mais décisionnaire. C’est devenu un portefeuille régalien et ‘‘mère’’ des ministères». Mohammad Machnouk est curieux de nature et aime toucher du doigt les problèmes. Il a déjà imposé son style au ministère où l’on reconnaît son empreinte. Il a arrêté les travaux du barrage de Janna. «On ne peut négliger l’opinion du ministère dans ce cas». Il souligne qu’en Europe, ce ministère est le plus important. «D’ailleurs, l’ambassadeur de l’Union européenne, Angelina Eichhorst, me l’a confirmé. Tout relève de l’environnement: le bruit, l’air, la pollution…». Sous la houlette du ministre, le Parlement vient de voter une loi créant un casier judiciaire pour l’environnement où seront consignées les infractions de l’environnement par les personnes. «Cette loi, votée par le Parlement, vient d’être promulguée. Elle prévoit la création d’une brigade de l’environnement, ainsi que la nomination de procureurs généraux et de juges d’instruction dans tous les mohafazats. Mais le principal sera de sensibiliser les Libanais au slogan Mon environnement est mon pays (Bi’ati watani)», souligne Mohammad Machnouk.
Machnouk est père de quatre enfants, Dina, Nada, Abdallah et Yasmine. Il est marié à Minou Machnouk de nationalité hollandaise. Sa relation avec ses enfants est excellente. «Je suis très proche d’eux et je n’ai pas connu avec eux des crises d’adolescence. Ils sont brillants chacun dans son domaine». Il leur a donné une éducation différente de celle qu’il a reçue lui-même. «Les temps ont changé, dit-il. Nous partageons beaucoup de choses. Nous avons tous le sens de l’humour et nous aimons rire. Quand ils se retrouvent ensemble, les quatre forment une bande». Perfectionniste de nature, il ne suffit pas à Mohammad Machnouk de participer à quelque chose, l’essentiel pour lui c’est de gagner. Il estime que tout changement ne peut se faire qu’à travers des personnes qui changent elles-mêmes. «On ne peut réclamer le changement sans être soi-même en train de changer». 


Joëlle Seif
Photos Milad Ayoub-DR
 

Ce qu’il en pense
Social Media: «On ne peut pas ignorer l’impact du social media. Je suis sur Facebook et Twitter et je gère personnellement mes comptes. Sur Facebook, je préserve l’intimité de mes amis et, sur Twitter, je partage mon opinion clairement et sans détour. Le seul problème de ces réseaux c’est le manque de confidentialité».
Ses loisirs: «Je suis passionné de photographies et de parfums. Je fabrique moi-même des parfums. J’ai pris un cours de 12 heures réparties sur quatre jours pour apprendre à le faire. Je sais comment mêler les notes de cœur, les notes de tête, mélanger les composantes. Le parfum que je porte je l’ai créé moi-même. Je crée également l’eau de toilette, l’eau de Cologne et l’eau de parfum».
Sa devise: «Winning is not everything. It is the only thing».

La sonnette d’alarme
Le ministre de l’Environnement ne cache pas sa grande inquiétude concernant le manque d’eau et les pénuries qui se profilent à l’horizon. «Il faut absolument que le citoyen change ses habitudes. La préservation de l’eau doit commencer à se faire à titre individuel et il faut sensibiliser l’entourage à son usage. Dans l’absolu, chaque citoyen doit agir de manière à préserver l’environnement». Pour le ministre, le citoyen a un rôle très important à ce niveau, ainsi qu’au niveau de la pollution du bruit, l’usage du klaxon, la circulation. «Il faut transformer les gens!». 

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