Michel Bussi est l’auteur de polars français par excellence. Géographe de métier, il ne s’attendait pas à un tel succès. En janvier 2015, il est, selon le classement GFK-Le Figaro, le 5e écrivain français en termes de nombre de livres vendus (près de 840 000 livres vendus en 2014). L’auteur déplore qu’au Liban, il n’existe presque pas d’auteurs de romans policiers et nous donne sa recette pour un livre qui marche. Rencontre.
Ecrire. Qu’est-ce que cela représente pour vous?
Je ne sais pas! Ecrire a toujours été une passion. Au départ, c’était un passe-temps. Actuellement, c’est un deuxième métier, un plus à mon métier de géographe. L’écriture me permet de voyager, d’être traduit en plusieurs langues, de gagner de l’argent. C’est donc une passion curieuse qui me permet aussi de vivre. Ça dépasse tout ce que j’aurais jamais imaginé!
Comment faites-vous pour avoir toujours cet art de retourner la situation?
Ce qui me surprend le plus, justement, c’est qu’il n’y a plus d’auteurs qui ont recours au suspense, cette tension dans leurs romans, qui me paraît assez naturelle. C’est pour cela que j’utilise toujours le retournement de situation. En effet, je ne commence à écrire une histoire que si j’ai une idée précise des rebondissements. Il faut que j’aie toute l’histoire en tête, et c’est ce qui me motive aussi à l’écrire. Il faut que j’aie l’impression que les lecteurs vont aimer le livre. Si j’écris quelque chose en me disant, en permanence, que les lecteurs vont décrocher, j’aurai du mal. Même si je ne fais pas de romans policiers, j’adopte quand même une manière d’écrire qui captiverait le lecteur.
A certains moments, êtes-vous inquiet que le lecteur comprenne l’intrigue avant la fin?
Oui. Toujours. C’est facile que le lecteur ne trouve pas, il suffit de ne pas donner d’indices! Dans beaucoup de romans, on ne peut pas deviner la fin faute de pistes. Le plus difficile, ce n’est pas de surprendre. C’est plutôt que, quand la surprise arrive, le lecteur se dise: «Mais tout était devant mes yeux, comment je n’ai pas pu y penser?!». Il s’agit d’avoir un maximum d’indices tout au long du roman, mais que, toutefois, la majorité des lecteurs ne trouvent pas. Il faut quand même laisser sa chance au lecteur. C’est amusant de trouver une explication logique cachée! J’avoue que je déteste les fins banales du style «c’était un rêve, j’ai menti!». Et c’est justement ce que j’essaie d’éviter.
Vous êtes géographe aussi. C’est complètement différent de l’écrivain de polars. Vous avez deux vies, deux personnalités…
Non… et oui. C’est différent dans le sens où je n’avais pas besoin d’être géographe pour devenir écrivain. Mais avouons que, dans mes romans, il y a beaucoup de description et des rapports aux lieux précis. Si je n’étais pas géographe, je ne l’aurais pas fait de cette façon. Le lien existe alors, en quelque sorte, mais je crois que même si j’avais été prof d’autre chose, j’aurais quand même écrit des romans. Mon métier de géographe m’aide à être plus concret; le lecteur serait capable de mieux visualiser l’histoire grâce au décor qui y est planté. Je tente continuellement de mettre en scène les lieux, les gens…
Le Liban pourrait-il vous inspirer?
Le Liban pourrait m’inspirer. J’aime bien ce genre de lieux. Si j’écrivais sur le Liban, mon héros ne serait pas quelqu’un d’isolé dans sa chambre. Le Liban, c’est intéressant parce que c’est petit, divers… Il est possible alors de jouer sur les stéréotypes en ajoutant de l’humour. C’est une société très cosmopolite avec plusieurs religions. On a l’impression que c’est une île, car les frontières avec les voisins sont «fermées». Ainsi, regarde-t-on plus vers le lointain que vers ses voisins… Ceci dit, il y a matière à inventer une histoire autour de héros. On s’imagine bien créer le personnage d’un flic récurrent ici; il y aura un tas de détails à donner, ce qui rendrait ce personnage intrigant. D’ailleurs, c’est étonnant qu’il n’y ait pas plus d’auteurs de polars au Liban.
Maman a tort a-t-il été difficile à écrire?
Le challenge pour ce livre était d’écrire avec des mots simples mais littéraires quand même. Il fallait trouver un équilibre. C’est vrai que l’univers dans lequel est plongé un enfant est merveilleux. Et ça aide. Donc, la difficulté était de mettre, enfin de trouver, les bons mots qui sortiraient de la bouche de cet enfant. Nous y sommes arrivés.
Propos recueillis par Anne Lobjoie Kanaan