De l’avis des participants, la 29e séance de dialogue entre le Courant du futur et le Hezbollah, sous le parrainage du président de la Chambre, était différente des précédentes. Certes, il n’y a pas eu de bouleversement dans les positions sur les sujets conflictuels, mais le ton et l’approche ont changé.
Les résultats des élections municipales ont montré un net recul de la popularité du Courant du futur, dans la plupart des régions. Même le jeu des alliances nouées pour ces élections est perçu comme un signe de faiblesse et non de force, le Courant du futur ayant l’habitude de gagner seul, ou de servir de remonte-charge pour ses alliés dans les processus électoraux. Ce qui n’était pas le cas cette fois. Tout le monde parle, certes, de la défaite à Tripoli mais, en réalité, le recul a été perceptible dans toutes les régions, à des degrés différents. Pour toutes ces raisons, les représentants du Courant du futur dans ce dialogue, Nader Hariri, Nouhad Machnouk et Samir el-Jisr, ont adopté, pour la première fois, un ton plus modeste et réaliste. Selon des sources proches de Aïn el-Tiné, ils ont commencé par affirmer à leurs interlocuteurs du Hezbollah, Hussein Khalil, Hussein Hajj Hassan et Hassan Fadlallah, que pour Saad Hariri, ce dialogue est une décision stratégique qui ne peut pas être remise en cause pour des raisons électorales ou autres. Les représentants du Courant du futur voulaient ainsi rassurer leurs interlocuteurs du Hezbollah au sujet d’un éventuel changement dans leur position après les résultats électoraux à Tripoli. Ces résultats sont, en effet, interprétés comme une adhésion de la base électorale tripolitaine aux thèses extrémistes du ministre de la Justice, Achraf Rifi, et son refus du dialogue entre le Hezbollah et le Futur. Les représentants de ce courant ont donc insisté sur l’importance de ce dialogue et sur le fait qu’il vise à protéger le Liban des remous confessionnels dans la région. Ce dialogue a un rôle décisif dans le maintien de la stabilité dans le pays et dans le fait qu’il ne bascule pas dans une guerre civile ou qu’il n’est pas le théâtre d’incidents confessionnels. Le représentant du président Nabih Berry, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a abondé dans ce sens et il a rappelé les positions du président de la Chambre sur son soutien au «courant sunnite modéré» représenté par Saad Hariri.
Selon les sources précitées, même si les sujets n’ont pas été clairement évoqués, l’atmosphère d’ouverture et le sérieux des discussions, qui ont marqué cette 29e séance de dialogue, pourraient bien être le prélude d’un déblocage politique. Berry, qui ne cache pas sa satisfaction d’être à l’origine de ce dialogue dont il assume entièrement la paternité, cherche à donner cette impression. Il a d’ailleurs reçu à dîner Saad Hariri pour l’encourager dans l’adoption de positions modérées. Et comme par hasard, le leader druze Walid Joumblatt s’est fait à son tour l’écho de cette tendance dans un entretien télévisé accordé à la LBCI. Mis côte à côte, ces éléments peuvent être considérés une base positive pour le déclenchement d’un processus de rapprochement politique entre les différentes parties. Selon les mêmes sources, ce rapprochement est devenu possible après le camouflet reçu par le Courant du futur à travers les élections municipales, qui devrait le pousser à plus de réalisme dans ses exigences et dans ses positions. De même, le lâchage de l’Arabie saoudite, qui ne tient pas compte dans ses positions régionales des intérêts de son allié Saad Hariri, a aussi son rôle dans le souci de ce dernier de chercher à conclure des compromis qui pourraient le ramener au pouvoir et ainsi le remettre en selle. De son côté, le Hezbollah a, depuis le début, appelé au dialogue et à la conclusion de compromis, conscient qu’en dépit de sa force militaire et de son poids régional, il n’a aucun intérêt à avoir des problèmes confessionnels internes à gérer dans une période aussi délicate, alors qu’il subit déjà un encerclement financier et économique. Il y aurait donc un momentum à saisir, dont la dernière séance de dialogue entre le Courant du futur et le Hezbollah pourrait être l’indice…
Joëlle Seif
Des iftars et des discours
Comme il en a gros sur le cœur, Saad Hariri aurait décidé, à l’occasion du mois du Ramadan, de donner des iftars dans plusieurs régions du pays, à Beyrouth, à Saïda, à Tripoli, dans la Békaa et même dans l’Iqlim el-Kharroub. Ce sera l’occasion pour lui de renouer le contact avec la base populaire sunnite et de prononcer des discours pour exprimer sa pensée et ses positions. Ces discours sont très attendus par les milieux politiques qui supposent que le chef du Futur devrait confirmer son orientation vers la modération, tout en affirmant avoir entendu le message que lui ont délivré les électeurs.