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Nº 3059 du vendredi 24 juin 2016

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Pompéi au Musée des Beaux-arts de Montréal. Esthétique, informative, immersive

Une exposition surprenante, époustouflante, dont on ressort bouche bée, pris entre la stupeur, l’admiration et l’effarement. Le Musée des Beaux-arts de Montréal (MBAM) a mis le paquet pour nous raconter la fameuse histoire de Pompéi, cette colonie romaine prospère disparue après que le Vésuve soit entré en ébullition, le 24 août 79… très exactement.

Crachant à une hauteur de quelque 30 km, un immense nuage de lave et de pierre ponce pulvérisée, le volcan a détruit la colonie romaine en quelques heures (19 exactement). D’après un témoin oculaire, connu sous le nom de Pline le Jeune, un auteur romain a tout vu de l’autre côté de la baie de Naples et l’a raconté en deux lettres à un historien: une pluie de roches, de cendres est tombée, enfonçant toits et murs. L’éruption a pris les habitants au dépourvu, mais la plupart ont réussi à s’enfuir. Seuls ceux qui s’étaient réfugiés à l’intérieur ont connu une fin terrible. Mais, paradoxalement, cette éruption dévastatrice a permis de préserver, durant des siècles, sous des mètres de cendres, la plus grande partie de la ville. Et ce n’est qu’au XVIe siècle qu’on a commencé à la découvrir.
A travers une exposition magistrale, le MBAM de Montréal nous propose une vraie visite dans une sorte de bulle spatio-temporelle où les vestiges de la ville offrent un tableau vivant et intime de la société romaine, comme aucun autre endroit au monde ne pourrait le faire.
Pour comprendre l’ampleur du désastre, une expérience multi-sensorielle plonge les visiteurs dans la vie quotidienne, juste avant l’hécatombe, avec des simulations auditives où l’on entend au loin les grondements du volcan et les pépites de feu qui crépitent en tombant, ainsi que des effets visuels de cette lave funeste qui court, momifiant tout sur son passage. Des objets de toutes sortes sont là, calcinés devant nous, 19 siècles plus tard: il y a là même un morceau de pain carbonisé. Mais il y a aussi la reconstitution en trois dimensions de ce que fut cette cité glorieuse, fleuron de l’Empire romain. On y découvre ses palais magnifiques, ses patios fleuris, ses ruelles tranquilles au pied du monstre qui les a anéantis en l’espace d’une journée.
Une présentation multimédia de 70 minutes refait vivre les différentes étapes de l’éruption qui aurait duré 19 heures, depuis les premières secousses jusqu’aux coulées de feu. Mais aussi, des moulages humains, quatorze victimes et un chien, qui sont, en fait, les corps enveloppés dans un linceul de cendres moulé dans du plâtre liquide et de la colle pour obtenir la réplique parfaite des individus au moment de leur mort.
Mais dans cette mer de feu qui a englouti toute une ville, les concepteurs de l’exposition en ont profité pour montrer toute la splendeur des Romains. Quelque 220 artéfacts archéologiques retracent, avec des sculptures, ustensiles, peintures, reliques et mosaïques, tout l’art de vivre et la soif de plaisir, le goût du luxe, l’art érotique de la société romaine. Des fresques dévoilent les meubles somptueux, les palais aux colonnes immenses. Les portraits des Romains, réalisés sur différents supports, marbre, bronze, mosaïque et peintures, donnent une idée de ce à quoi ressemblaient les habitants de ce carrefour commercial. Bas reliefs qui représentent l’atelier d’un chaudronnier, les statuettes des mirmillons, ces gladiateurs qu’on jetait dans les combats (en fait c’étaient des esclaves achetés par des entrepreneurs). On y trouve même un four portatif. On réalise le miracle du génie romain dans l’approvisionnement en eau, dans les aqueducs, les bains; mais on y discerne aussi le culte impérial, la vénération des dieux, les rangs sociaux (selon les bijoux, les vêtements…). Et surtout la place importante dévolue à Eros. A travers notamment toutes sortes de plaisir et toutes les bonnes occasions pour festoyer. Scènes de banquet, statuettes de Bacchus, des satyres (divinité champêtre mi-homme mi-bouc, en représentation avec une chèvre). Toutes les manifestations et représentations de l’amour sont gardées dans une salle à part, il gabinetto segreto, assez impudiques et inimaginables de nos jours. De quoi se souvenir de ce que disait Tiberius Claudius Secundus: «Les bains, le vin et le sexe corrompent nos corps, mais font que la vie vaut la peine d’être vécue».

Montréal, Gisèle Kayata Eid
 

Se poursuit jusqu’au 5 septembre 2016.

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