Magazine Le Mensuel

Nº 3069 du vendredi 2 septembre 2016

general

Houmat al-diyar. Association ou nouvelle milice?

Il y a un an et demi, le gouvernement de Tammam Salam a octroyé une autorisation pour la création d’une association baptisée Houmat al-diyar autour de laquelle l’opinion publique libanaise est divisée.

Il y a ceux qui appuient ce mouvement, estimant qu’il va au-delà des divisions communautaires et a pour but de soutenir l’Armée libanaise, et il y a ceux qui l’accusent d’être une nouvelle milice. Mais ce qui est clair, c’est que des voix à l’intérieur de la communauté sunnite commencent à s’élever et voient dans ce mouvement une nouvelle forme de Saraya al-moukawama (Les gardiens de la Résistance), liées au Hezbollah.
Ce mouvement, apparu sans préavis et dont les contours et les buts ne sont pas clairs, est soudain placé sous les projecteurs et une campagne, déclenchée par le ministre de l’Intérieur et des Municipalités, Nouhad Machnouk, est menée contre lui.
 

Dissensions
Au cours d’une conférence de presse à Dar el-Fatwa à Tripoli, Machnouk a déclaré qu’il était en train de préparer un dossier sur Houmat al-diyar, qu’il a l’intention de soumettre au Conseil des ministres pour annuler l’autorisation accordée à ce mouvement. «J’ai beaucoup entendu parler à Tripoli et ailleurs d’un nouveau mouvement appelé Houmat al-diyar. J’affirme qu’on ne protège pas les foyers avec plus de milices ni avec davantage de forces armées illégales, mais avec l’entente, le dialogue et les concessions réciproques. C’est ainsi que nous protégeons le pays. Celui qui ne le sait pas doit venir à Tripoli pour apprendre la patience, la modération, la notion d’Etat, ainsi que la force et la rigidité en même temps», a déclaré le ministre de l’Intérieur.
A la suite de ces propos, un communiqué signé par Dany Bitar, le responsable du mouvement Houmat al-diyar à Tripoli et Mina, s’est répandu sur les réseaux sociaux, dans lequel il déclare sa démission, ainsi que celle de tous les membres de l’organisation au Liban-Nord, afin de préserver la coexistence et la paix civile.  
Le lendemain, le ministre démissionnaire de la Justice, Achraf Rifi, a adressé une demande au procureur général auprès de la Cour de cassation, Samir Hammoud, pour mener des investigations concernant l’exactitude des propos concernant Houmat al-diyar. De son côté, le député Mohammad Kabbara s’est montré surpris du silence des responsables libanais concernant l’activité de ce mouvement. «Il ne nous manquait plus au Liban qu’une nouvelle milice portant le nom de Houmat al-diyar sous prétexte de protéger l’Armée libanaise et d’appuyer les institutions sécuritaires».
A son tour, Walid Joumblatt s’est déchaîné sur Twitter, affirmant qu’«il existe plusieurs chœurs, celui de Abdel-Menhem Youssef, de la prorogation justifiée et injustifiée, de ceux qui bloquent l’élection d’un président et l’action du gouvernement. Ces chœurs sont variés et viennent de partout. Il ne manquait plus que la protection comme celle de Houmat al-diyar, grâce à Dieu et va la musique».
Les réseaux sociaux ont fait état de l’armement auquel se livre ce mouvement et de son entraînement militaire dans les différentes régions libanaises y compris Tripoli, dans le but de protéger l’armée et l’aider dans sa lutte contre le terrorisme. Dans le chef-lieu du Liban-Nord, de nombreuses voix s’élèvent contre l’action de Houmat al-diyar et des menaces ont été proférées contre ses membres. A travers les réseaux sociaux, les partisans du mouvement ont adressé à leur tour des menaces, ce qui augmente les craintes d’un affrontement entre cet organisme et ses opposants.
Le fondateur de Houmat al-diyar, Ralph Chemaly, affirme que «l’idée principale de ce mouvement est d’appuyer l’Armée libanaise et les institutions militaires, transcender les communautés en vue d’une seule nation et lutter contre la corruption, le vol et les stupéfiants». «Nous sommes un mouvement non armé qui est contre le terrorisme et contre l’utilisation des armes et nos entraînements ont lieu avec la connaissance et l’approbation de l’armée, et cela est une chose naturelle», s’est-il défendu.

Joëlle Seif 
 

4 000 membres
Le mouvement Houmat al-diyar compte quelque 4 000 membres de différents rites et confessions. Il possède, jusqu’à présent, 17 bureaux dans de nombreuses régions libanaises notamment au Akkar (5 bureaux), Kesrouan (2 bureaux), Jbeil, Metn-Sud, Qaa, Abra-Saïda, Ersal, Jezzine, Hasbaya, Zghorta, Mina Tripoli et Jabal Mohsen. Des photos affichant les membres en tenue militaire, en plein entraînement, sont régulièrement publiées. Ce rapide déploiement, dont les réseaux sociaux se font le relais, engendre plus d’une interrogation concernant le financement de ce mouvement et ses liens internes et externes. Des questions sont posées sur sa relation avec le Hezbollah et sur l’exactitude d’informations faisant état de casernes de l’armée accueillant ses entraînements.

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