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Nº 3070 du vendredi 7 octobre 2016

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Film Ameriki tawil porté au grand écran. Eli Khoury raconte le récit d’une résurrection

M media et Ziad Rahbani, deux noms qui s’entrecroisent; c’était le souhait d’Eli Khoury, P.-D.G. de Quantum, qui revient, pour Magazine, sur la petite histoire qui entre dans la grande.

«La relation avec Ziad n’est pas ordinaire; elle est toujours tendue et pleine de défis intellectuels. Puis chacun disparaît de son côté… Des années d’amitié, au-delà de nos divergences d’opinions prononcées, des moments de rire et surtout d’autodérision».
A quelques jours de la sortie en salles de Film Ameriki tawil, Magazine a eu l’occasion de s’entretenir avec Eli Khoury sur cette «belle et merveilleuse relation», entre deux hommes que tout semble opposer, cette petite histoire qui nous a permis, par un effet de miroir collectif, de manipuler les aiguilles du temps, pour replonger de visu dans les pièces de
Ziad Rahbani. Chaque fois que l’idée est avancée, «Ziad, sûrement, hoche la tête», de ce geste incompréhensible qu’on lui connaît. Patienter, relancer l’idée, disparaître, «Ziad disait qu’il n’avait rien»; durant plus de dix ans, «l’espace d’une génération», le jeu et l’envie se côtoient. «Et d’un coup, il décide qu’il a effectivement des épreuves de tournages de deux pièces, ‘‘mais il ne s’agit que de répétitions’’, avait-il dit». Parfait, ce sera un documentaire.
Les années s’écoulent encore, jusqu’au moment où, finalement, visionnant ces séquences enfin octroyées, «on se rend compte que toute l’histoire est là». Le projet est lancé, le travail commence.
 

Un plaisir garanti
Le reste de l’histoire… nous le connaissons; au bout de deux ans de restauration et de reconstitution de l’image et du son, la pièce Bennesbeh la boukra chou? sort en salles et affiche un record historique d’audience, comme une planche enfin offerte au grand public de rassembler les fragments d’une mémoire collective éclatée, permettant à M media (plateforme digitale créée par Quantum) de rentrer dans ses frais. Eli Khoury n’attend pas qu’on lui demande des précisions sur ce point-là. Franc-parler, transparence, il pratique le tir direct. Et cible «ceux qui nous ont insultés dans les médias prétextant que nous utilisons Ziad pour un but commercial… Mon but premier était de mettre ses œuvres dans une librairie libanaise dans la meilleure forme possible».
Le 20 octobre, sort Film Ameriki tawil. S’attend-il au même succès? «Encore plus, parce que la pièce relève d’une vision politique acérée, je crois aussi que c’est la préférée des Libanais. Ensuite, le film est techniquement meilleur; la pièce étant plus récente, l’enregistrement est technologiquement plus avancé». C’est que, sur ce point aussi, certaines critiques avaient été entendues la première fois. «Ceux qui vont aller au cinéma et se demander ce que ça nous rapporte, ceux qui veulent voir un film fait en 2016, ce film n’est pas pour eux. Qu’ils restent à écouter les cassettes audio… si elles ne bloquent pas! Celui qui veut vivre un moment historique et comprendre ce que les citoyens sentaient, ce que les comédiens faisaient», eh bien le plaisir est garanti! Un plaisir à double facette, puisque «rien n’a changé; pire encore. Les Libanais sont toujours fous, confessionnels… en espérant qu’ils rient un peu et oublient à quel point le pays va mal; en espérant qu’ils pleurent un peu, retournent chez eux et pensent à ce qu’ils font de leur pays».

Questions/réponses
Au jeu des questions/réponses, Eli Khoury a toujours le propos adéquat. Comment présente-t-il M media? «Il y a, d’un côté, le ‘‘mainstream media’’ fondé essentiellement sur le divertissement américain, un peu européen et du monde, qui est large, et de l’autre, le régional, beaucoup plus petit, les séries arabes, turques, Bollywood… Aucun n’a une mission, dit-il. La nôtre stipule que les frontières géographiques ont disparu, mais les frontières culturelles existent et la connexion entre les gens se fait par ce biais, à travers ce qu’on appelle l’ethnocentrisme. M media est donc en train de créer une géographie ethnique tout autour du globe, à travers les intérêts qui rassemblent les internautes; ceux qui sont intéressés par un sujet, qu’il soit libanais, arabe ou moyen-oriental, trouveront tous les outils sur une même adresse». Et M. Khoury d’ajouter: «M media est libanais mais ne sort pas du Liban, donc n’obéit pas aux règles du pays. Notre tâche est de mettre en ligne un bon contenu sans aucune restriction concernant la liberté d’expression ou la liberté artistique, nos seules limites étant éthiques et professionnelles».
Pour 5 $ d’abonnement par mois, quel est au final le but de M media? «Notre travail est divisé en trois parties, explique Eli Khoury. La production, comme pour les pièces de Ziad Rahbani ou le documentaire sur Bachir Gemayel; l’acquisition qui consiste à rassembler la culture libanaise (films, documentaires, séries, pièces, et livres plus tard), pour la donner à voir et à lire dans les meilleures conditions digitales possibles; et finalement, voir ce que nous pouvons faire avec les jeunes talents, pour les financer et
les soutenir». L’œuvre de M media ne s’adresse ni à l’endurci, ni au rétrograde, ni au prétentieux, ni au philosophe. Tous les autres sont les bienvenus, conclut M. Khoury.

Nayla Rached

 

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