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Nº 3097 du vendredi 4 janvier 2019

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Voyage en pays druze, de Samer Mohdad. Le druzisme est une philosophie, pas une religion

Le photographe libanais Samer Mohdad nous entrouvre les portes, dans son dernier livre (Editions Erick Bonnier), de l’énigmatique communauté druze. Une autobiographie passionnante qui conjugue récit familial, périple personnel et quête de savoir.

Qu’est-ce qu’être druze? Cette question fondamentale, Samer Mohdad se l’est posée pour la première fois à l’âge de sept ans. Quant, à la différence de ses camarades de classe de l’école la Sagesse de Brasilia, en 1972, on lui explique qu’il ne pourra pas faire sa première communion. C’est à ce moment-là que le jeune garçon apprend, sans comprendre, qu’il appartient à la communauté druze.
Un véritable choc qui l’amène à questionner sa mère, Insaf al-Awar Mohdad, à de multiples reprises. Celle-ci, poétesse reconnue et laïque convaincue, tente d’expliquer à son fils curieux les origines et la pensée de la communauté druze. Pour son premier livre dépourvu de photographies hormis celle qui illustre la couverture, Samer Mohdad nous emmène dans une quête initiatique, où son histoire personnelle se superpose avec celle du Liban, notamment la période de la guerre civile et les déménagements incessants qu’elle impose à sa famille. Il rapporte aussi les récits familiaux, dont celui de sa grand-mère Lamia, qui «ne savait ni lire ni écrire, mais (qui) avait un grand talent pour raconter des histoires, surtout celles qui relataient son vécu». Née pendant la période de la grande famine dans le Mont-Liban, elle donnera ainsi des clés de l’histoire familiale des Mohdad à ses petits-enfants.

Convictions laïques
Alternant récits du passé, enquête historique sur les origines des druzes, liberté romanesque et interrogations personnelles de l’auteur, Voyage en pays druze propose aux profanes une interprétation personnelle mais très accessible de la spiritualité druze. Samer Mohdad, qui est aussi l’un des fondateurs de la Fondation arabe pour l’Image à Beyrouth, transmet également dans son livre ses convictions, profondément laïques, à l’égard de la religion, qui lui valent d’être pris pour un fou lors de l’enterrement de sa mère qui avait émis le souhait d’être incinérée, à l’opposé des traditions de la communauté. Lui se revendique avant tout unitarien, pas druze.
Explorant les textes à la recherche des origines, il explique que le nom de druze est issu d’une imposture, celle de Nachtakin Darazi, un «turkmène installé au Caire au XIème siècle, (et qui) avait été envoyé dans le Wadi Taym pour y lancer l’appel à l’unicité tel que conçu par le khalife fatimite al-Hakem Bi Amr Allah, principal propagateur de la philosophie unitarienne». «Darazi en a profité pour s’attribuer le titre de prophète, reniant en cela les principes fondamentaux de l’appel unitarien». Cet appel à l’unicité lui, entre dans le secret, étant uniquement connu des membres de la communauté.
Pour Samer Mohdad, «le druzisme c’est une philosophie, ce n’est pas une religion». «Ses chefs veulent conserver cet aspect religieux car ils ont peur de disparaître», note-t-il, relevant qu’un effort a toutefois été fait en accolant le terme «unitarien» à druze. Revendiquant une identité profondément laïque, il tente de livrer des clés à celles et ceux qui souhaiteraient comprendre les fondements de la spiritualité unitarienne, poursuivant la quête entamée par sa mère.

Jenny Saleh

 

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