Magazine Le Mensuel

Nº 3072 du vendredi 2 décembre 2016

Restauration

Uruguay Street. Après la mort la résurrection

Uruguay Street a subi, de plein fouet, la crise du tourisme et la désertion du centre-ville après les manifestations contre la crise des déchets, il y a un an. Mais les investisseurs à l’origine du projet n’ont pas dit leur dernier mot. La rue sera bientôt transformée en un nouveau concept. Explications.

Il s’agissait du premier cluster créé au Liban, en 2011, par deux investisseurs: Rabih Saba et Marwan Ayoub, les associés de la société Ventures (Backyard à Hazmié, The Village à Dbayé…).
«L’idée est partie d’un constat simple, explique Rabih Saba. Solidere est un emplacement de premier choix et stratégique, qui dispose de toutes les composantes d’un centre-ville à l’européenne: des magasins, de jolies rues piétonnes, un cinéma et un cadre idyllique. Mais il n’existait, en 2011, que très peu de restaurants et de bars, comme il peut en exister dans le centre de villes européennes. Nous avons alors imaginé Uruguay Street, un projet de 6 millions de dollars, conçu pour les Libanais et non pas pour une clientèle arabe, comme l’étaient encore la plupart des projets à ce moment. Nous avons loué une vingtaine d’emplacements à Solidere, assuré le marketing, les infrastructures et l’architecture des lieux et sous-loué les emplacements à des bars et des restaurants déjà bien connus au Liban. Notre objectif était de profiter d’un cadre bourré de charme, où de nombreux Libanais travaillent pour faire revivre le centre-ville de Beyrouth».

Absence de régulation
Un emplacement stratégique, un cadre agréable, des tickets moyens abordables… Le projet avait tout pour réussir. «Ce fut le cas entre 2012 et 2013, se souvient Marwan Ayoub. Mais très vite, nous avons subi les conséquences de l’absence d’un Etat et de régulation. Des bars et des restaurants situés un peu plus bas dans la rue ont voulu bénéficier du succès d’Uruguay Street. Toutefois, aucune règle n’était là pour encadrer leur travail. Outre la surconcentration d’établissements sur cette zone, ces bars mettaient la musique beaucoup trop forte, ce qui transforma complètement le concept de la rue qui ciblait les cadres et les trentenaires et qui a commencé à attirer les plus jeunes, faisant fuir notre cœur de cible».
A ces problèmes d’absence de régulation, se sont ajoutées, l’année dernière, les manifestations contre la crise des déchets, qui ont paralysé le centre-ville. «Solidere nous a bien fait grâce de neuf mois de loyers, que nous avons ainsi également épargnés aux bars et aux restaurants avec qui nous travaillions. Mais cela n’a pas suffi à faire revenir les Libanais après les événements, ajoute M. Saba, surtout que le contexte économique n’était déjà pas du tout favorable à ce moment».

Une mort lente
C’est également ce que confirme Solidere, interrogé par Magazine sur les raisons de la fermeture des bars d’Uruguay Street.  «La rue était devenue un véritable point de rencontres pour les universitaires, jeunes actifs et trentenaires, qui venaient se détendre après le travail, pendant les week-ends et durant de grands événements comme la fête de la Musique et le Festival de jazz. Cependant, elle a subi lentement, mais inéluctablement, les effets des développements politiques et sociaux sur sa fréquentation, explique Nayla Abou Aziz, responsable de la communication de Solidere. Petit à petit, le centre-ville s’est éteint, des commerces ont fermé et la rue d’Uruguay a, sans doute, payé le plus lourd tribut».

Un nouveau projet
Mais le duo d’investisseurs ne compte pas s’arrêter là. «Nous ne voulons pas perdre le potentiel si prometteur de ce quartier, insiste M. Saba. Nous travaillons actuellement sur un nouveau projet de cluster à Uruguay, qui concernera moins la nightlife que des restaurants qui ouvriront le midi comme le soir pour un ticket moyen de 25 dollars. Il s’agira d’un concept du type de celui de Backyard de Hazmié ou de The Village de Dbayé. Nous avons renégocié, avec Solidere, les loyers qui ont diminué de moitié et nous ferons bénéficier des mêmes remises les établissements qui souhaitent faire partie du projet. Le pays est sur la bonne voie économique; nous l’espérons en tout cas et nous misons sur cela et sur une reprise de la confiance du consommateur. Nous espérons inaugurer le nouvel espace d’ici six mois».

Soraya Hamdan

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